Aforismi e Riflessioni sull'Europa

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      Cependant il écrit: «Napoléon semble être le seul qui ait pressenti ce qui devait se produire et ce qui pourrait s'entreprendre. Il a pensé à l'échelle du monde actuel, n'a pas été compris et l'a dit: Mais il venait trop tôt, les temps n'étaient pas mûrs. Ses moyens étaient loin d'être les nôtres. On s'est remis, après lui, à considérer l'hectare du voisin et à raisonner sur l'instant.
      «L'Europe sera punie de sa politique. Elle sera privée de vin, de bière et d'autres choses».
      Napoléon a dit : « Vous verserez des larmes de sang.»
      Et Valéry ajoute : «L'Europe aspire visiblement à être gouvernée par une commission américaine. Toute sa politique s'y dirige.»
      Napoléon prophétisait juste en s'écriant : «Les plus forts posséderont l'Europe. Ce qui ne serait pas arrivé sans vous, messieurs les Anglais.»
      Paul Valéry l'explique:
      «La population de la Chine est à elle seule au moins égale à celle de l'Europe. Celle du Japon supérieure à celle de l'Allemagne. L'Europe n'est plus la suzeraine du monde.» Elle le sera de moins en moins. Encore peu d'années et la Chine sera japonaise. L'exemple d'une puissance formidable nous est donné par l'Anschluss germano-autrichien. La puissance qui résultera de l'Anschluss nippo-chinois sera infiniment plus redoutable encore.
      Nous n'en avons qu'une idée lointaine, et cependant elle hâte sa formation sous nos yeux de petits Européens distraits par les jeux byzantins de la presqu'île européenne. Il est temps d'y mettre fin.
      Paul Valéry donne les raisons de la décadence européenne:
      «Les Européens se sont disputés le profit de déniaiser, d'instruire et d'armer des peuples immenses immobilisés dans leur tradition et qui ne demandaient qu'à demeurer dans leur état.
      «Il n'y aura rien eu de plus sot dans l'histoire que la concurrence européenne en matière politique et économique, comparée, combinée et confrontée avec l'unité et l'alliance européennes en matiére scientifique.»
      C'est cette unité qui hantait la pensée prophétique de Bonaparte. Cette unité est dans la force des choses, elle ne peut pas ne pas se réaliser.
      Mais laissons Paul Valéry continuer sa démonstration:
      «Pendant que les meilleures têtes de l'Europe constituaient un capital immense de savoir utilisable, la tradition naïve de la politique de convoitise et d'arrière-pensée se poursuivait, et cet esprit de petits Européens, par une sorte de trahison, livrait à ceux mêmes qu'on entendait dominer les méthodes et les instruments de puissance.